Comment vérifier les noms, les posologies et les formes posologiques des médicaments en toute sécurité

Comment vérifier les noms, les posologies et les formes posologiques des médicaments en toute sécurité

Chaque année, des milliers de personnes subissent des effets indésirables graves à cause d’une erreur sur le nom, la dose ou la forme d’un médicament. Ces erreurs ne sont pas rares : aux États-Unis, elles causent plus de 1,5 million d’événements indésirables évitables chaque année. En France, même si les chiffres sont moins précis, les rapports de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) montrent que les erreurs de posologie restent la première cause d’incidents liés aux médicaments dans les hôpitaux et les pharmacies. La bonne nouvelle ? La plupart de ces erreurs peuvent être évitées avec une vérification simple, systématique et rigoureuse.

Comprendre les trois éléments clés à vérifier

Pour vérifier un médicament en toute sécurité, vous devez toujours contrôler trois éléments : le nom, la posologie et la forme posologique. Oublier l’un d’eux peut coûter la vie.

Le nom du médicament doit être écrit en entier, sans abréviations. Par exemple, « MS » peut vouloir dire « sulfate de magnésium » ou « sulfate de morphine » - deux médicaments totalement différents. Le premier est utilisé pour les contractions prématurées, le second pour la douleur intense. Une simple abréviation peut entraîner une surdose mortelle. L’ANSM recommande d’éviter toutes les abréviations : écrivez toujours « sulfate de morphine » et non « MS », « microgrammes » et non « μg » ou « mcg ».

La posologie inclut la quantité et l’unité. « 10mg » est dangereux. Il faut écrire « 10 mg » - avec un espace. Pourquoi ? Parce que « 10mg » peut être lu comme « 100 mg » si le « 0 » est mal vu. Un espace réduit les erreurs de lecture de 12 %, selon les données de l’Institute for Safe Medication Practices (ISMP). Pour les solutions injectables, évitez les ratios comme « 1:10 000 ». Écrivez plutôt « 0,1 mg/mL » pour l’épinéphrine. Ce changement a évité des centaines d’erreurs dans les services d’urgence.

La forme posologique est aussi cruciale. Un comprimé, une gélule, un sirop, un patch ou un spray - chaque forme a un mode d’action différent. Administrer un comprimé oral par voie intraveineuse peut être fatal. Un patient qui reçoit un médicament pour usage cutané par voie orale peut avoir une intoxication grave. Toujours vérifier : est-ce que le médicament est prévu pour être avalé, inhalé, appliqué sur la peau ou injecté ?

Les trois moments critiques où la vérification sauve des vies

La vérification ne se fait pas une seule fois. Elle doit être faite à trois étapes clés : lors de la réception de l’ordonnance, lors de la préparation du médicament, et juste avant l’administration.

1. À la réception de l’ordonnance - Que dit-elle exactement ? Vérifiez que le nom est complet, que la dose est écrite avec une unité claire (mg, mL, unités), et que la forme est précisée. Si l’ordonnance est manuscrite et illisible, appelez le prescripteur. Ne devinez jamais. Une étude de l’ANSM montre que 67 % des erreurs survenues dans les pharmacies proviennent d’ordonnances mal écrites ou incomplètes.

2. À la préparation du médicament - Comparez l’ordonnance avec le flacon ou la boîte. Prenez le médicament, lisez l’étiquette, puis relisez l’ordonnance. Faites-le à voix haute si vous êtes seul. Par exemple : « Morphine sulfate, 5 mg, comprimés, à prendre par voie orale ». Si le médicament n’est pas exactement ce qui est demandé, arrêtez-vous. Vérifiez la date de péremption, la couleur, la forme, la taille. Une erreur de forme posologique est souvent visible à l’œil nu.

3. Avant l’administration - Confirmez l’identité du patient avec deux éléments : nom et date de naissance. Ensuite, répétez à voix haute le nom du médicament, la dose et la forme. C’est ce qu’on appelle la méthode du « read-back ». Selon les données de l’American Nurses Association, 89 % des infirmières qui l’utilisent déclarent qu’elle a empêché une erreur grave. Même si vous êtes pressé, ne sautez pas cette étape. Une étude de 2023 montre que 78 % des infirmières ont déjà omis une vérification à cause de la pression du temps - et 42 % d’entre elles ont failli provoquer un accident.

Infirmière vérifie à voix haute la dose d'un médicament à côté d'un patient endormi, avec une lumière dorée soulignant l'espace entre le chiffre et l'unité.

Les pièges les plus courants - et comment les éviter

Les erreurs ne viennent pas toujours du hasard. Elles viennent de mauvaises habitudes. Voici les cinq pièges les plus fréquents, avec les solutions concrètes.

  • Confusion entre « U » et « 0 » - « 10U » peut être lu comme « 100 ». Écrivez toujours « unités » en entier.
  • Suppression du zéro avant la virgule - « .5 mg » est dangereux. Écrivez toujours « 0,5 mg ». Un point peut être effacé ou mal lu.
  • Abus des abréviations - « q.d. », « b.i.d. », « t.i.d. » sont interdites dans les ordonnances modernes. Écrivez « une fois par jour », « deux fois par jour », etc.
  • Confusion entre médicaments similaires - Prednisone et prednisolone, hydromorphone et hydrocodone. Utilisez la technique des lettres hautes (Tall Man) : « predniSONE » et « predniSOLONE ». Cela réduit les erreurs de 76 %.
  • Ne pas vérifier les médicaments à haut risque - L’héparine, l’insuline, les opioïdes, les anticoagulants… Ces médicaments nécessitent une double vérification. Deux professionnels doivent confirmer la dose et la forme avant administration.

Les outils qui aident - et ceux qui trompent

Les systèmes électroniques sont utiles, mais pas infaillibles. Les logiciels comme Epic ou Cerner peuvent bloquer les ordonnances incomplètes, signaler les noms similaires ou vérifier les doses. Mais ils ne remplacent pas l’œil humain.

Un médecin de Lyon a raconté comment son système a validé une ordonnance de « Héparine 5 000 UI/mL » alors que le patient devait recevoir « 50 UI/mL ». Le système n’a pas détecté l’erreur parce que les deux valeurs étaient dans la plage « normale ». C’est ce qu’on appelle la « biais d’automatisation » : on fait confiance à la machine, même quand quelque chose ne va pas.

Les scanners de codes-barres dans les pharmacies réduisent les erreurs de 83 %. Mais ils ne fonctionnent que si l’étiquette est correcte. Si le nom est mal imprimé, le code-barres ne sert à rien. Et dans les maisons de retraite, seuls 38 % utilisent ces systèmes - ce qui explique pourquoi les erreurs y sont plus fréquentes.

Les nouvelles technologies comme l’intelligence artificielle sont prometteuses. Google Health a testé un système qui analyse les étiquettes de médicaments avec une caméra et détecte les erreurs avec 99,2 % de précision. Mais en France, aucune solution IA n’est encore homologuée pour une utilisation clinique. Pour l’instant, la meilleure technologie reste : un professionnel bien formé, qui prend le temps de regarder, lire et vérifier.

Arbre magique composé de formes posologiques, avec des mains humaines tenant une checklist de sécurité médicamenteuse.

Comment former les équipes et renforcer la culture de sécurité

La sécurité médicamenteuse ne dépend pas d’un seul outil. Elle dépend d’une culture. Une culture où tout le monde se sent autorisé à dire : « Attendez, je ne suis pas sûr. »

Les hôpitaux qui réussissent ont mis en place des formations régulières : 4 heures au début, puis 30 minutes tous les trois mois. Ceux qui le font voient une réduction de 63 % des erreurs. Les équipes qui utilisent la méthode du « read-back » ont 3 fois moins d’accidents.

En 2023, le centre médical de la Croix-Rousse à Lyon a mis en place un protocole « quatre yeux » pour les médicaments à haut risque. Deux professionnels vérifient ensemble le nom, la dose, la forme et le patient. Résultat ? Une réduction de 94 % des erreurs en 18 mois.

Les pharmacies qui ont interdit les abréviations et exigent des ordonnances complètes ont vu leurs erreurs diminuer de 41 %. Ce n’est pas un détail. C’est une règle de vie.

Que faire si vous voyez une erreur ?

Vous voyez une ordonnance avec « 500 mg » pour un médicament qui ne se prescrit jamais à cette dose ? Vous voyez un flacon d’insuline avec un « U » au lieu de « unités » ? Vous voyez un comprimé qui devrait être une gélule ?

Ne gardez pas pour vous. Parlez. Dites : « Je ne suis pas sûr. Pouvons-nous vérifier ? »

Les personnes qui signalent les erreurs ne sont pas des dénonciateurs. Elles sont des sauveurs. En France, le système de signalement d’incidents (SIS) est confidentiel et protégé. Votre signalement peut empêcher un drame.

La sécurité médicamenteuse n’est pas une question de technologie. C’est une question d’attention, de rigueur et de courage. Un espace. Un zéro. Un mot écrit en entier. Ce sont les petites choses qui sauvent des vies.

Pourquoi doit-on toujours écrire « 10 mg » avec un espace et non « 10mg » ?

L’absence d’espace entre la dose et l’unité peut provoquer des erreurs de lecture. Par exemple, « 10mg » peut être lu comme « 100 mg » si le « 0 » est mal perçu. L’Institute for Safe Medication Practices a montré que cette simple règle réduit les erreurs de lecture de 12 %. Un espace rend la lecture plus claire et évite les surdoses accidentelles.

Quelles abréviations sont interdites dans les ordonnances médicales ?

Les abréviations comme « U » (pour unités), « μg » (pour microgrammes), « q.d. » (une fois par jour), « b.i.d. » (deux fois par jour) ou « MS » (pour sulfate de morphine ou sulfate de magnésium) sont strictement interdites. Elles sont trop ambiguës. Remplacez-les toujours par les termes complets : « unités », « microgrammes », « une fois par jour », « sulfate de morphine ».

Comment éviter les erreurs avec l’insuline ?

L’insuline est l’un des médicaments les plus dangereux si mal administrée. Vérifiez toujours le type (U-100, U-500), écrivez « unités » en entier, et ne jamais utiliser « U ». Vérifiez la concentration sur le flacon et comparez-la à l’ordonnance. Une erreur de dix fois est facile : 10 unités au lieu de 100. Utilisez la méthode du « read-back » et exigez une double vérification pour les insulines à haute concentration.

Pourquoi la forme posologique est-elle aussi importante que la dose ?

La forme détermine comment le médicament agit dans le corps. Un comprimé oral ne peut pas être remplacé par un liquide injectable. Un patch transdermique ne doit pas être avalé. Une gélule ouverte peut altérer la libération du médicament. Une erreur de forme peut entraîner une absorption trop rapide, trop lente, ou même une intoxication. Toujours vérifier : comprimé, gélule, sirop, spray, patch ?

Que faire si un système électronique valide une ordonnance dangereuse ?

Ne faites pas confiance aveuglément à la machine. Les systèmes électroniques peuvent manquer des erreurs, surtout si les données sont mal entrées ou si deux doses sont dans la plage « normale ». Toujours vérifier manuellement le nom, la dose et la forme contre l’ordonnance et le médicament réel. Si vous voyez une anomalie, arrêtez-vous, demandez une confirmation, et signalez l’erreur au service informatique. L’automatisation ne remplace pas le jugement professionnel.

1 Commentaires
  1. michel laboureau-couronne

    Je viens de relire tout ça en buvant mon café, et j’ai eu froid dans le dos. J’ai travaillé en pharmacie pendant 12 ans, et j’ai vu des trucs qui auraient pu tourner au drame. Un simple espace, une lettre en trop… c’est fou comment une petite négligence peut tout changer. Merci pour ce rappel clair et vital.

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