Vous prenez des médicaments tous les jours ? Vous avez peut-être déjà entendu parler du goldenseal comme d’un complément naturel pour renforcer votre système immunitaire ou soulager un rhume. Mais ce que beaucoup ne disent pas, c’est qu’il peut interagir gravement avec vos traitements prescrits - et ce, sans que vous vous en rendiez compte.
Qu’est-ce que le goldenseal ?
Le goldenseal (Hydrastis canadensis) est une plante herbacée originaire de l’est de l’Amérique du Nord. Utilisée depuis des siècles par les peuples autochtones, elle est aujourd’hui vendue sous forme de gélules, de teintures ou d’extraits liquides. Son principal composant actif, la berbérine, est présente à des concentrations variant de 0,5 % à 8 % dans les produits du marché. Cette substance, ainsi que l’hydrastine, est responsable de ses effets supposés antibactériens et anti-inflammatoires. Pourtant, l’Agence américaine des médicaments (FDA) a rappelé en 2022 qu’il n’existe aucune preuve scientifique solide de son efficacité pour traiter une maladie. Pourtant, les ventes aux États-Unis ont atteint 18,7 millions de dollars en 2022.
Pourquoi le goldenseal est-il dangereux avec les médicaments ?
Le vrai problème ne vient pas de la plante elle-même, mais de son impact sur votre foie. Votre foie utilise des enzymes appelées cytochrome P450 pour dégrader la plupart des médicaments. Environ 75 % des traitements prescrits - y compris les statines, les antihypertenseurs, les antidépresseurs et les anticoagulants - passent par ces enzymes.
Le goldenseal inhibe de manière puissante cinq de ces enzymes : CYP3A4, CYP2D6, CYP2C9, CYP1A2 et CYP2E1. Cela signifie qu’il ralentit la dégradation de vos médicaments. Résultat ? Leur concentration dans le sang augmente, parfois de 40 % à 60 %. C’est comme si vous preniez deux fois la dose prescrite - sans le savoir.
Par exemple :
- Avec le lisinopril (pour la pression artérielle), une interaction peut provoquer une chute brutale de la tension, jusqu’à des évanouissements.
- Avec le warfarine (anticoagulant), le goldenseal peut faire monter l’INR de 1,5 à 2 points, augmentant le risque de saignements.
- Avec le cyclosporine (immunosuppresseur), les niveaux dans le sang peuvent grimper de 30 à 50 %, risquant une toxicité rénale.
- Avec le metformine (pour le diabète), certains cas ont montré une baisse de son efficacité - ce qui fait grimper la glycémie en quelques semaines.
Comparaison avec d’autres plantes : pourquoi le goldenseal est particulièrement risqué
Beaucoup de plantes interagissent avec les médicaments. Le pamplemousse, par exemple, inhibe le CYP3A4. Le millepertuis l’induit - ce qui fait baisser l’efficacité des médicaments. Mais le goldenseal, lui, fait les deux : il bloque plusieurs enzymes en même temps.
Une analyse de 2020 dans Drug Metabolism Reviews l’a classé comme le troisième complément le plus dangereux pour les interactions médicamenteuses, derrière seulement le pamplemousse et le millepertuis. Mais contrairement à ces deux-là, il n’a pas d’effet bénéfique prouvé. Il n’a pas de dose standardisée. Et il est vendu sans avertissement clair.
Un étude de 2022 de l’USP (U.S. Pharmacopeia) a testé 35 produits de goldenseal. Seuls 38 % contenaient une quantité de berbérine proche de ce qui était indiqué sur l’étiquette. Certains avaient 8 %, d’autres moins de 1 %. Cela rend toute prédiction d’effet impossible.
Qui est le plus à risque ?
Les personnes qui prennent des médicaments chroniques sont les plus vulnérables :
- Les patients sous statines (simvastatine, atorvastatine) : risque de myopathie.
- Ceux qui prennent des beta-bloquants (métoprolol, propranolol) : risque de bradycardie.
- Les diabétiques sous metformine ou sulfonylurées : glycémie mal contrôlée.
- Les personnes sous antidépresseurs (fluoxétine, paroxétine) : risque de syndrome sérotoninergique.
- Ceux qui prennent des benzodiazépines (midazolam, triazolam) : somnolence excessive, risque de coma.
Un cas rapporté en 2023 sur Reddit par un patient nommé « HypertensionWarrior » a été révélateur : après avoir pris du goldenseal pendant deux jours avec son lisinopril, il a eu des vertiges sévères et a dû se rendre aux urgences. Sa pression artérielle était tombée à 85/50.
Que faire si vous voulez quand même l’essayer ?
La réponse la plus simple : ne le prenez pas si vous prenez un médicament. C’est la recommandation de l’Académie américaine des médecins de famille depuis 2017.
Si vous insistez, voici ce que vous devez faire :
- Consultez votre médecin ou votre pharmacien avant de commencer. Montrez-leur la liste de vos médicaments.
- Utilisez l’outil gratuit de l’American Society of Health-System Pharmacists : il répertorie 147 médicaments à risque avec le goldenseal.
- Si vous l’avez déjà pris, arrêtez-le au moins deux semaines avant de commencer ou de modifier un traitement. Les effets du goldenseal peuvent durer jusqu’à 14 jours après l’arrêt.
- Ne l’utilisez jamais plus de 3 à 5 jours d’affilée. Même les utilisateurs qui en ont eu de bons résultats le font uniquement pour un rhume aigu, sans médicament.
Et en Europe ?
En France et dans l’Union européenne, le goldenseal n’est pas interdit - mais il n’est pas non plus autorisé comme ingrédient médicinal. L’Agence européenne des médicaments (EMA) l’a classé comme « non acceptable pour usage médical » en raison de son profil de sécurité. Pourtant, vous pouvez encore le trouver en ligne ou dans certaines boutiques de produits naturels.
La réglementation européenne exige que les compléments alimentaires mentionnent les risques d’interaction, mais en pratique, les étiquettes sont souvent vagues ou absentes. Et les consommateurs ne lisent pas les petits caractères.
Que dit la recherche en cours ?
Le National Institutes of Health (NIH) a lancé en septembre 2023 une étude clinique de 2,3 millions de dollars pour observer les interactions du goldenseal avec 10 médicaments courants sur 120 volontaires. Les résultats sont attendus en fin d’année 2025. Ce sera la première étude humaine de cette ampleur sur le sujet.
En attendant, les données existantes sont suffisantes pour prendre une décision : le goldenseal est un complément à éviter si vous prenez des médicaments.
Des alternatives plus sûres ?
Si vous cherchez à renforcer votre système immunitaire pendant l’hiver, voici des options bien plus sûres :
- Le zinc (à prendre en courte durée, 15 mg/jour max)
- La vitamine D (si votre taux est bas)
- Le miel pour la toux (surtout chez les adultes)
- Le repos et l’hydratation - les meilleurs traitements pour un rhume
Il n’y a pas besoin de risquer votre santé pour un complément dont l’efficacité est douteuse et les risques, bien réels.
Le goldenseal peut-il augmenter le risque de saignements ?
Oui. Le goldenseal inhibe l’enzyme CYP2C9, qui métabolise le warfarine et d’autres anticoagulants. Cela peut faire monter l’INR, un indicateur de la fluidité du sang. Une augmentation de 1,5 à 2 points peut passer d’un niveau sûr à un risque de saignement interne. Ce risque est particulièrement élevé chez les personnes âgées ou celles ayant déjà des problèmes de coagulation.
Le goldenseal est-il dangereux pour les diabétiques ?
Oui. Même s’il est parfois présenté comme un « régulateur naturel de la glycémie », le goldenseal peut altérer l’absorption du metformine en inhibant les transporteurs P-glycoprotéine. Des cas cliniques ont montré une baisse de l’efficacité du metformine, avec une hausse de l’HbA1c de 6,8 % à 8,2 % en seulement quatre semaines. Cela peut entraîner des complications graves comme une neuropathie ou une insuffisance rénale.
Puis-je prendre du goldenseal si je ne prends aucun médicament ?
Techniquement, oui - mais ce n’est pas recommandé. Même sans médicaments, le goldenseal peut perturber le métabolisme naturel des toxines, notamment l’acétaminophène (paracétamol), en inhibant l’enzyme CYP2E1. Cela augmente le risque de lésions hépatiques, surtout si vous consommez de l’alcool ou si vous avez déjà un foie fragile. De plus, sa qualité est très variable : vous ne savez jamais exactement ce que vous ingérez.
Combien de temps le goldenseal reste-t-il dans l’organisme ?
Les effets inhibiteurs des enzymes hépatiques peuvent persister jusqu’à 14 jours après la dernière prise. C’est pourquoi les professionnels de santé recommandent une période d’arrêt de deux semaines avant de commencer un nouveau traitement. Même si vous vous sentez bien, votre foie continue de subir les effets du goldenseal pendant cette période.
Les produits bio ou certifiés sont-ils plus sûrs ?
Non. La certification biologique ne garantit pas une composition stable ou une concentration contrôlée en berbérine. Une étude de l’USP en 2022 a montré que même les produits avec un label de qualité contenaient des niveaux de berbérine erratiques - certains avec 8 %, d’autres avec moins de 1 %. Le problème n’est pas la qualité, mais la nature même du produit : il n’est pas standardisé, donc il ne peut pas être utilisé en toute sécurité avec des médicaments.
Pourquoi les pharmacies ne préviennent-elles pas davantage ?
Beaucoup de patients achètent les compléments sans les mentionner à leur pharmacien. Les pharmacies ne peuvent pas deviner ce que vous prenez. Mais elles ont des outils pour vérifier les interactions : demandez à votre pharmacien de faire une vérification complète de vos médicaments et compléments. C’est gratuit, rapide, et c’est son travail.
Que faire maintenant ?
Si vous prenez un médicament, arrêtez le goldenseal. Immédiatement. Même si vous ne ressentez rien, les dommages peuvent être silencieux.
Si vous ne prenez pas de médicaments, réfléchissez : vaut-il la peine de risquer votre foie pour un complément qui n’a pas été prouvé efficace ?
La santé ne se mesure pas à la quantité de suppléments que vous prenez. Elle se mesure à la qualité de vos choix - et à ce que vous évitez.