Qu’est-ce que la réhabilitation cardiaque ?
La réhabilitation cardiaque, ce n’est pas juste un programme d’exercice. C’est un plan médical complet, validé par des décennies de recherche, qui aide les patients à récupérer après une crise cardiaque, une chirurgie du cœur ou un autre événement grave. Contrairement à ce qu’on croyait il y a 50 ans - où on conseillait de rester au lit pendant des semaines - on sait aujourd’hui que bouger, de manière contrôlée et encadrée, sauve des vies. Selon l’American Heart Association (2024), ce programme réduit la mortalité cardiovasculaire de 20 à 30 %, diminue les réadmissions à l’hôpital et améliore nettement la qualité de vie. Ce n’est pas un luxe : c’est un traitement essentiel, aussi important qu’un médicament prescrit.
Les trois phases de la réhabilitation, étape par étape
La réhabilitation cardiaque ne se fait pas en une seule fois. Elle suit un cheminement clair, divisé en trois phases, chacune avec ses objectifs et ses règles.
Phase I : Dès l’hôpital
Elle commence dans les 24 à 48 heures après l’événement. On ne vous demande pas de courir. On vous demande de vous asseoir, de marcher jusqu’à la salle de bain, puis de faire quelques pas dans le couloir. Trois à quatre fois par jour, pendant 3 à 5 minutes, avec des pauses de 1 à 2 minutes entre chaque. La fréquence cardiaque ne doit pas dépasser 120 battements par minute, ou votre rythme au repos + 20. Vous devez vous sentir un peu essoufflé, mais pas en détresse. Le but ? Éviter les caillots, maintenir la circulation, et commencer à reprendre confiance dans votre corps.
Phase II : En consultation externe
Après votre sortie, généralement entre 1 et 3 semaines plus tard, vous entrez dans la phase la plus structurée. C’est ici que vous faites 36 séances d’une heure, réparties sur 12 semaines, 3 à 5 fois par semaine. Chaque séance inclut : un échauffement de 5 minutes, 30 à 40 minutes d’exercice aérobie (tapis de course, vélo stationnaire, marche rapide), 15 minutes d’entraînement en force (avec des poids légers ou des bandes élastiques), et un temps de récupération. L’intensité ? Vous devez être à 60 à 75 % de votre fréquence cardiaque maximale. Sur l’échelle de Borg, c’est un niveau de 11 à 13 : vous respirez plus fort, mais vous pouvez encore parler en phrases courtes. L’objectif ? Augmenter votre capacité d’effort d’au moins 15 % en 3 mois.
Phase III : La vie après
À la fin de la phase II, vous ne devez pas arrêter. Vous passez à la phase de maintenance. Votre nouveau mode de vie : 150 minutes d’activité modérée par semaine - soit 30 minutes, 5 jours par semaine. Vous pouvez marcher, nager, faire du vélo, danser. Vous surveillez votre rythme cardiaque avec un montre connectée ou simplement en écoutant votre corps. Vous continuez à faire deux séances de force par semaine. C’est ici que la réhabilitation devient un mode de vie, pas un traitement.
Quels exercices sont vraiment recommandés ?
On ne vous demande pas de devenir un athlète. On vous demande de bouger régulièrement, en toute sécurité.
Pour l’aérobie : commencez par 5 à 10 minutes de marche quotidienne après votre sortie. Augmentez progressivement jusqu’à 30 minutes. Le but ? Vous sentir un peu essoufflé, mais pas au point de vous arrêter. La Heart Foundation d’Australie conseille un objectif simple : marcher jusqu’au magasin du coin. Si vous y arrivez sans douleur, c’est déjà un succès.
Pour la force : utilisez des poids légers - ou même des bouteilles d’eau. Faites 10 répétitions, puis augmentez à 20. Faites des mouvements simples : lever les bras, s’asseoir et se relever d’une chaise, marcher en portant des sacs légers. Le plus important ? Ne pas retenir votre souffle. Respirer normalement évite les pics de pression artérielle, qui peuvent être dangereux.
Chaque séance doit commencer et finir par 5 minutes d’échauffement et de récupération. Pas de sauts, pas de sprints. La régularité l’emporte sur l’intensité.
Qui peut bénéficier de cette réhabilitation ?
La réhabilitation cardiaque n’est pas réservée aux seuls patients après une crise cardiaque. Elle est recommandée pour :
- Les personnes ayant eu un infarctus dans les 12 derniers mois
- Celles ayant subi un pontage coronarien, une angioplastie ou un stent
- Les patients ayant eu une chirurgie d’une valve cardiaque
- Les transplantés cardiaques ou pulmonaires
- Ceux qui souffrent d’angine stable ou d’insuffisance cardiaque chronique
- Les personnes avec des artères obstruées qui font mal lorsqu’elles bougent
- Ceux qui ont une maladie artérielle périphérique (douleurs aux jambes en marchant)
En revanche, il faut attendre si vous avez une angine instable, un rythme cardiaque non contrôlé, une insuffisance cardiaque aiguë, une sténose aortique sévère ou une myocardite. Dans ces cas, la réhabilitation peut être reportée jusqu’à ce que votre état se stabilise.
Les obstacles réels à la réhabilitation
Malgré tous les bénéfices, seulement 36,8 % des patients éligibles aux États-Unis participent à un programme de réhabilitation. Pourquoi ?
- Beaucoup de médecins ne réfèrent pas leurs patients - seulement 69 % le font.
- Les transports sont un problème, surtout en zone rurale.
- Les horaires ne collent pas avec le travail ou les soins aux enfants.
- Beaucoup de patients pensent que c’est trop risqué, ou qu’ils ne méritent pas de faire un effort.
En France, les données sont similaires. Le système de santé couvre 36 séances, mais la plupart des patients ne savent même pas qu’ils ont droit à ce programme. Si vous avez eu une crise ou une chirurgie, demandez à votre cardiologue : « Est-ce que je peux entrer dans un programme de réhabilitation cardiaque ? »
La réhabilitation à distance : une solution pour les zones isolées
Depuis 2021, les assurances en France et aux États-Unis couvrent les programmes de réhabilitation à distance. Vous portez un capteur cardiaque, vous faites vos exercices chez vous, et vous avez des séances vidéo avec un kinésithérapeute ou un coach. Une étude publiée dans JAMA Network Open en 2022 a montré que les résultats étaient presque identiques à ceux des programmes en centre : une amélioration de la capacité d’effort de 2,1 mL/kg/min contre 2,3 mL/kg/min. C’est presque la même chose. Pour les personnes qui vivent loin d’un hôpital, ou qui ont du mal à se déplacer, c’est une alternative valide, efficace et sécurisée.
Et la santé mentale ?
Après une crise cardiaque, 1 personne sur 3 développe une dépression. Ce n’est pas une faiblesse. C’est une réaction normale à un choc physique et émotionnel. La réhabilitation moderne intègre maintenant des évaluations psychologiques. Des séances avec un psychologue, des groupes de parole, ou des techniques de gestion du stress font partie du programme. La santé du cœur ne se mesure pas seulement en battements par minute. Elle se mesure aussi en calme, en sommeil, en confiance.
Les résultats mesurables : ce que vous gagnez
Si vous suivez un programme complet, voici ce que vous pouvez attendre :
- Une réduction de 26 % du risque de décès cardiovasculaire
- Une baisse de 18 % des réadmissions à l’hôpital
- Une augmentation de 40 % de votre capacité à faire des efforts
- Une amélioration de 10 % de la distance que vous pouvez marcher en 6 minutes
- Une meilleure qualité de sommeil, moins d’anxiété, plus d’énergie
Le Dr Erin D. Michos, de l’université Johns Hopkins, l’a dit clairement : « Résoudre le problème des refus de réhabilitation pourrait sauver 11 000 vies par an aux États-Unis seulement. » Ce n’est pas une statistique lointaine. C’est une possibilité concrète pour vous.
Comment commencer ?
Si vous avez eu une crise cardiaque, une chirurgie, ou si vous avez un diagnostic de maladie coronarienne, ne patientez pas. Parlez à votre médecin dès maintenant. Posez les bonnes questions :
- Est-ce que je suis éligible à un programme de réhabilitation cardiaque ?
- Quels sont les centres près de chez moi qui proposent ce programme ?
- Est-ce qu’il existe une option à distance ?
- Qui va suivre mes progrès ? Un kiné ? Un cardiologue ? Un coach ?
- Combien de séances sont couvertes par la sécurité sociale ?
La réhabilitation cardiaque n’est pas une fin. C’est un nouveau départ. Ce n’est pas un retour à l’ancienne vie. C’est la création d’une vie plus saine, plus consciente, plus longue. Votre cœur a été blessé. Il mérite une seconde chance. Et vous aussi.
La réhabilitation cardiaque est-elle sûre après une crise cardiaque ?
Oui, elle est très sûre. Selon l’American Heart Association, le taux de complications graves est de 1 pour 100 000 heures d’exercice. C’est moins risqué que de conduire une voiture ou de monter les escaliers. Les exercices sont progressifs, surveillés, et adaptés à votre condition. Les équipes médicales sont formées pour réagir immédiatement en cas de besoin.
Puis-je faire de la réhabilitation à la maison sans supervision ?
La phase I et la phase II doivent être supervisées. La phase III, en revanche, est conçue pour être faite en autonomie. Mais même à ce stade, il est recommandé de faire un suivi médical tous les 3 à 6 mois. Utilisez un moniteur de fréquence cardiaque, notez vos symptômes, et ne repoussez pas les rendez-vous de contrôle. La sécurité ne signifie pas l’isolement.
Combien de temps dure un programme de réhabilitation ?
La phase II, la plus intensive, dure 12 semaines avec 36 séances. La phase III est une démarche à long terme - pour la vie. Même après les 36 séances, il faut continuer à bouger 150 minutes par semaine. La réhabilitation ne se termine pas : elle devient votre routine.
La réhabilitation cardiaque est-elle remboursée en France ?
Oui. La sécurité sociale couvre 36 séances de réhabilitation cardiaque après un infarctus, une chirurgie ou une angioplastie. Ces séances sont réalisées dans des centres agréés, avec un médecin, un kinésithérapeute ou un coach sportif spécialisé. Un reste à charge de 20 % peut s’appliquer, mais certaines mutuelles le couvrent intégralement. Vérifiez auprès de votre caisse d’assurance maladie.
Et si je n’ai pas de symptômes après mon infarctus ?
Même sans douleur, vous avez un cœur endommagé. La réhabilitation ne sert pas seulement à soulager les symptômes. Elle réduit les risques futurs : une autre crise, un accident vasculaire, une insuffisance cardiaque. Les patients qui ne participent pas à la réhabilitation ont deux fois plus de chances de mourir dans les cinq ans suivants. Ne sous-estimez pas ce que votre cœur a traversé.
Clementine McCrowey
Je sais à quel point c’est dur de se remettre en mouvement après une crise. Mais chaque pas compte. Même 5 minutes de marche, c’est déjà une victoire. Vous n’êtes pas seul.