Les antibiotiques ne sont pas une solution magique pour tous les maux de l’enfant

Beaucoup de parents pensent qu’un enfant avec une fièvre, un nez qui coule ou une gorge douloureuse a besoin d’antibiotiques. Ce n’est pas vrai. Les antibiotiques ne marchent que contre les infections bactériennes. Ils n’ont aucun effet sur les virus, qui causent la grande majorité des maladies infantiles. Une toux, un rhume, une gastro-entérite ou une bronchiolite ? Ce sont des virus. Donner un antibiotique dans ces cas, c’est comme mettre un parapluie pour se protéger du soleil : ça ne sert à rien, et ça peut faire plus de mal que de bien.

Quand les antibiotiques sont vraiment nécessaires

Il y a des cas précis où les antibiotiques sauvent des vies. Environ 20 % des maux de gorge chez les enfants sont causés par une bactérie : le streptocoque du groupe A, connu sous le nom de « streptocoque A ». Pour le confirmer, un test rapide à la pharmacie ou au cabinet médical est obligatoire. Si le test est positif, un antibiotique comme l’amoxicilline est prescrit. Sans traitement, cette infection peut entraîner des complications graves comme la fièvre rhumatismale.

Les otites moyennes aiguës, elles aussi, ne nécessitent pas toujours d’antibiotiques. Pour les enfants de moins de 2 ans avec une otite sévère (forte douleur, oreille qui coule), oui. Mais pour un enfant plus âgé avec une otite légère, les médecins recommandent d’attendre 48 à 72 heures. Si la douleur diminue, pas besoin d’antibiotique. Cette approche, appelée « observation attentive », réduit les prescriptions inutiles sans augmenter les risques.

Les infections sinusales bactériennes, rares chez les enfants, se reconnaissent par un nez qui coule pendant plus de 10 jours sans amélioration, accompagné de fièvre élevée. Et les pneumonies bactériennes ? Elles représentent seulement 10 % des cas. La plupart des pneumonies chez les enfants sont virales. Un examen médical, parfois une radiographie, est nécessaire pour trancher.

Les antibiotiques les plus utilisés chez les enfants

Le traitement de première ligne pour les infections bactériennes chez les enfants est l’amoxicilline. C’est un antibiotique sûr, efficace, et peu cher. Il est prescrit deux fois par jour, pendant 10 jours en général, pour les otites ou les sinusites. La dose est calculée en fonction du poids de l’enfant : entre 80 et 90 mg par kilo par jour, divisée en deux prises. Pour un enfant de plus de 40 kg, la dose maximale est de 3 000 mg par jour.

Si l’enfant est allergique à la pénicilline, ou si l’infection est plus résistante, on utilise d’autres classes d’antibiotiques. Les céphalosporines, comme le cefdinir, sont utilisées pour les otites récidivantes ou les pneumonies compliquées. Les macrolides, comme l’azithromycine, sont pris sur trois à cinq jours, souvent pour les toux persistantes ou les infections à mycoplasme. Chaque antibiotique cible des bactéries spécifiques. Ce n’est pas une question de « plus fort », mais de « bien adapté ».

Effets secondaires fréquents - et comment les gérer

Un enfant sur dix va avoir un effet secondaire avec un antibiotique. Le plus courant ? La diarrhée. Elle touche entre 5 % et 25 % des enfants, selon le type d’antibiotique. C’est parce que les antibiotiques tuent aussi les bonnes bactéries dans l’intestin. Ce n’est pas une allergie, c’est un déséquilibre naturel. Donner des probiotiques (comme ceux contenant Lactobacillus rhamnosus GG) peut réduire ce risque de moitié, selon des études récentes.

La nausée et les vomissements sont aussi fréquents, surtout avec les antibiotiques en sirop. Le goût amer est une vraie plainte : 43 % des enfants refusent de les prendre. La solution ? Mélanger le sirop avec une petite cuillère de sirop de chocolat, de compote de pomme ou de yaourt. Ne pas le mélanger à un grand repas, sinon l’absorption est réduite. Les seringues à dose unique, disponibles en pharmacie, aident aussi à éviter les fuites et les erreurs de dosage.

Les infections à levures (candidose) sont aussi courantes, surtout chez les bébés. Une langue blanche, des plaies dans la bouche, ou une éruption rouge dans le pli des fesses peuvent être des signes. Elles se traitent avec un simple antifongique local. Pas besoin de s’alarmer - c’est temporaire.

Les vraies allergies - ce qu’il faut savoir

Une éruption cutanée n’est pas toujours une allergie. Dans 80 à 90 % des cas, c’est juste un effet secondaire. Une vraie allergie, elle, se manifeste par des symptômes graves : gonflement des lèvres ou du visage, urticaire (plaques rouges qui démangent), respiration sifflante, ou chute de la pression artérielle. C’est une urgence. Si cela arrive, arrêtez l’antibiotique et appelez le 15.

Beaucoup de parents croient qu’une allergie à la pénicilline dans la famille signifie que leur enfant en est aussi allergique. C’est faux. Des études montrent que 95 % des enfants qui ont une histoire familiale d’allergie à la pénicilline peuvent prendre cet antibiotique sans problème. Les tests d’allergie sont rares chez les enfants, mais ils existent. Si vous avez peur, demandez à un allergologue.

Ne jamais répéter un antibiotique si votre enfant a eu une réaction allergique. Et ne jamais dire à l’école ou au médecin « il est allergique aux antibiotiques » sans préciser lequel. C’est trop vague. Dites : « il a eu une urticaire avec l’amoxicilline ».

Le danger caché : la résistance aux antibiotiques

Chaque fois qu’on donne un antibiotique inutile, on renforce les bactéries. Elles apprennent à résister. Aujourd’hui, 47 % des bactéries responsables des otites résistent à la pénicilline. Le MRSA, une bactérie résistante aux antibiotiques courants, a augmenté de 150 % chez les enfants depuis 2010. Ce n’est pas une menace lointaine. C’est déjà ici.

Les enfants qui prennent des antibiotiques inutiles ont plus de risques de développer une infection à Clostridium difficile, une bactérie qui cause des diarrhées sévères, parfois mortelles. Elle touche 15 à 25 % des enfants qui ont pris un antibiotique. Et les conséquences sont lourdes : 70 000 visites aux urgences chaque année aux États-Unis, pour des réactions aux antibiotiques. Ce n’est pas un chiffre anecdotique - c’est une crise sanitaire.

Comment bien administrer un antibiotique

Ne jamais arrêter un antibiotique parce que l’enfant va mieux. Même si la fièvre est partie après deux jours, finissez le traitement. Sinon, les bactéries les plus résistantes survivent, et reviennent plus fortes. C’est comme éteindre un feu avant qu’il ne soit complètement éteint : il repart plus fort.

Si l’enfant vomit moins de 30 minutes après la prise, redonnez la dose complète. S’il vomit entre 30 et 60 minutes, redonnez la moitié. Au-delà, pas besoin. Ne forcez pas l’enfant à avaler s’il refuse. Essayez de le donner avec un peu de nourriture douce, ou demandez à la pharmacie de rehausser le goût avec un arôme (certains laboratoires proposent des versions à la fraise ou à la banane).

Observez l’évolution : si après 48 à 72 heures, l’enfant ne va pas mieux, ou s’il empire, revenez chez le médecin. Ce n’est pas une faute. C’est une bonne pratique. Un traitement qui ne marche pas, c’est un traitement mal adapté.

Des outils nouveaux pour mieux prescrire

Depuis 2023, des tests rapides permettent de savoir si une infection est bactérienne ou virale en quelques heures. Un test de protéine C-réactive (CRP) dans le sang peut dire avec 85 % de précision si un antibiotique est nécessaire. Un autre test, approuvé par la FDA, donne les résultats de sensibilité aux antibiotiques en 6 heures au lieu de 2 à 3 jours. Cela permet de ne pas utiliser des antibiotiques larges spectra inutilement.

Les médecins sont de plus en plus formés à la « surveillance attentive ». Pour une otite légère chez un enfant de 18 mois, on attend. Pour une toux persistante, on ne prescrit pas d’antibiotique si le test de grippe est négatif et qu’il n’y a pas de fièvre élevée. Le message est clair : attendre, c’est soigner.

Les parents ont un rôle clé

Vous êtes la première ligne de défense contre la surprescription. Ne demandez pas d’antibiotique parce que vous êtes fatigué, parce que vous avez peur que l’enfant ne se rétablisse pas, ou parce que d’autres parents en ont donné. La fièvre dure 3 à 5 jours avec un virus. C’est normal. Un enfant qui a un rhume ne doit pas prendre d’antibiotique, même si son nez est vert. La couleur du mucus n’est pas un indicateur de bactérie.

Apprenez à reconnaître les signes d’alerte : difficulté à respirer, lèvres bleues, somnolence extrême, refus de boire, urines très rares. Ce sont des signes de complication, pas de bactérie. Appeler le médecin, c’est bien. Exiger un antibiotique, c’est dangereux.

La vraie puissance contre la plupart des maladies infantiles, ce n’est pas un médicament. C’est le temps. Le repos. L’hydratation. La chaleur. La patience. Les antibiotiques sont des outils précieux - mais seulement quand ils sont bien utilisés.