Les ongles ne sont pas que décoratifs - ils sont un miroir de votre santé
Vous avez remarqué que votre ongle s’est épaissi, a viré au jaune ou au brun, et commence à se détacher de la peau ? Vous avez peut-être pensé à une infection fongique. Ou peut-être que votre médecin vous a dit que c’était du psoriasis. Et pourtant, les deux conditions partagent des symptômes presque identiques : décoloration, épaississement, décollement. La différence ? Leur cause, leur évolution, et surtout, leur traitement. Confondre l’un avec l’autre, c’est risquer de perdre des mois à utiliser des antifongiques qui ne fonctionnent pas - ou pire, d’aggraver la situation avec des corticoïdes inadaptés.
Environ 10 % de la population mondiale souffre d’un trouble des ongles lié à l’une de ces deux causes. Et selon les données de l’OMS en 2023, ce chiffre monte à 20 % chez les plus de 60 ans. Pourtant, 30 à 40 % des cas sont mal diagnostiqués. Pourquoi ? Parce que les deux pathologies se ressemblent comme deux gouttes d’eau - sauf qu’elles sont totalement différentes.
Psoriasis des ongles : une maladie auto-immune, pas une infection
Le psoriasis des ongles n’est pas une infection. C’est une réaction du système immunitaire. Chez les personnes atteintes de psoriasis cutané, le corps produit des cellules de la peau trop vite - toutes les 3 à 4 jours au lieu de 28 à 30. Ces cellules s’accumulent sous et autour de l’ongle, provoquant des changements visibles.
Les signes les plus typiques ?
- Pitting : de petites dépressions en forme de pointes d’épingles, présentes chez 70 % des cas.
- Salmon patches : des taches translucides rouge-jaune, comme une tache d’huile, visibles sous l’ongle.
- Onycholyse : l’ongle se détache progressivement du lit, souvent sans douleur.
- Hyperméatose sous-unguée : un dépôt blanc et poudreux sous l’ongle, comme du plâtre.
- Lésions en goutte d’huile : des taches jaune-brun en forme de goutte, présentes chez 15 à 50 % des patients.
Contrairement aux infections fongiques, le psoriasis des ongles touche surtout les ongles des doigts (75 % des cas), pas ceux des orteils. Il survient généralement chez les personnes qui ont déjà du psoriasis cutané - 95 % des cas apparaissent 10 à 15 ans après les premières lésions sur la peau. Et il n’est pas contagieux. Si vous avez un ongle piqueté, c’est presque certainement du psoriasis.
Infection fongique : un envahisseur silencieux
L’onychomycose, c’est l’infection fongique de l’ongle. Elle est causée par des champignons, surtout Trichophyton rubrum, qui représente 80 à 90 % des cas. Ce microbe n’attaque pas les ongles sains. Il profite des microtraumatismes, de l’humidité, des chaussures serrées, ou des piscines publiques pour s’installer.
Les signes sont plus progressifs :
- Épaississement sévère : l’ongle peut atteindre 3 à 5 mm d’épaisseur, contre 2 à 3 mm pour le psoriasis.
- Coloration foncée : jaune, brun, voire noir - surtout en partant de la pointe de l’ongle.
- Début latéral : l’infection commence souvent sur les bords de l’ongle, pas au centre.
- Odeur désagréable : présente dans 40 % des cas. Un indicateur clé : chez les patients atteints de psoriasis, il n’y a aucune odeur.
Les infections fongiques progressent lentement. Un ongle de doigt met 6 mois à repousser entièrement, un ongle de orteil, jusqu’à 18 mois. C’est pourquoi les traitements doivent durer des mois - et pourquoi les gens abandonnent trop tôt.
Comment les différencier ? Les indices cliniques décisifs
Il n’y a pas de test magique. Mais certains signes sont presque infaillibles.
| Caractéristique | Psoriasis des ongles | Infection fongique |
|---|---|---|
| Pitting (petites dépressions) | Présent chez 70 % des cas | Présent chez 2 % des cas |
| Odeur désagréable | 0 % | Présente chez 40 % des cas |
| Épaisseur de l’ongle | 2 à 3 mm | 3 à 5 mm |
| Nombre d’ongles touchés | Plusieurs en même temps | Un seul au début, puis propagation |
| Début de l’infection | Soudain, souvent après un traumatisme | Progressif, part de la pointe ou du bord |
| Antécédents de psoriasis cutané | Présents dans 95 % des cas | Aucun lien |
Un dermatologue expérimenté peut faire un diagnostic visuel avec 85 % de précision. Un médecin généraliste, seulement 52 %. C’est pourquoi les erreurs sont si fréquentes. Sur Reddit, 63 % des personnes pensent avoir une infection fongique, alors qu’elles ont du psoriasis. Et 42 % ont utilisé des antifongiques pendant des mois, sans résultat - et avec des ongles qui ont empiré.
Les tests de diagnostic : ce que votre médecin doit faire
Ne vous contentez pas d’un regard rapide. Un bon diagnostic demande trois étapes :
- Examen clinique : recherche de pitting, de lésions en goutte d’huile, de décollement symétrique.
- Préparation KOH : un petit échantillon d’ongle est dissous dans une solution de potasse. Si des filaments fongiques apparaissent au microscope, c’est une infection. Ce test a une sensibilité de 70 à 80 %.
- Culture fongique ou coloration PAS : si le KOH est négatif mais que le doute persiste, une culture (plus longue, 2 à 4 semaines) ou une coloration PAS (90 % de sensibilité) est nécessaire.
La culture est très spécifique (95 %), mais elle rate jusqu’à 50 % des cas. La coloration PAS est plus fiable. Et surtout : aucun test ne diagnostique le psoriasis. Il se diagnostique par l’observation clinique et les antécédents.
Les traitements : pas de solution unique
Le traitement dépend entièrement du diagnostic.
Pour le psoriasis des ongles :
- Corticostéroïdes intra-lésionnels : injection directe sous l’ongle. Résultats visibles en 8 à 12 semaines.
- Biologiques : des médicaments comme le secukinumab (Cosentyx) ou l’ixekizumab. 65 % des patients voient une amélioration significative après 24 semaines.
- Emollients et protection : éviter les traumatismes, hydrater les cuticules, ne pas ronger les ongles.
Pour l’onychomycose :
- Terbinafine orale : traitement de première ligne. 78 % de guérison après 12 semaines, confirmée par culture.
- Antifongiques topiques : efinaconazole (Jublia) ou ciclopirox. Moins efficaces pour les ongles de orteil, mais sans effets secondaires systémiques. Nécessitent 9 à 12 mois d’application quotidienne.
- Prévention : garder les pieds secs, changer de chaussettes deux fois par jour, éviter les piscines publiques pieds nus, désinfecter les chaussures.
Attention : les corticoïdes topiques ou oraux aggravent les infections fongiques. Et les antifongiques ne touchent aucunement le psoriasis. Une erreur de traitement peut faire passer une simple infection en pathologie chronique.
Les pièges courants et ce que disent les patients
Les témoignages réels révèlent à quel point le diagnostic est mal géré.
Sur MyPsoriasisTeam, une patiente écrit : « J’ai passé 8 mois avec des antifongiques. Mes ongles se sont détachés, j’avais mal. J’ai fini par voir un dermatologue : c’était du psoriasis. »
Sur FootHealthForum, un homme raconte : « Mon dermatologue m’a dit que c’était du psoriasis et m’a prescrit une crème à base de corticoïdes. Mon ongle est devenu plus fin, plus cassant. Ce n’était pas du psoriasis - c’était une infection. »
78 % des patients atteints de psoriasis des ongles ont attendu plus de six mois avant d’être correctement diagnostiqués. En moyenne, ils ont consulté 2,3 médecins avant d’obtenir le bon diagnostic.
Les nouvelles avancées : où en est la recherche ?
La technologie aide de plus en plus. En 2023, une étude du Mayo Clinic a montré que la microscopie confocale de réflectance pouvait différencier psoriasis et infection avec 92 % de précision - sans biopsie.
En 2024, la FDA a approuvé Xepi (difloxacin) pour traiter les surinfections bactériennes chez les patients atteints de psoriasis des ongles - une complication fréquente.
Et bientôt ? Des diagnostics basés sur le microbiome. Une équipe de Mount Sinai a découvert que les ongles des patients atteints de psoriasis contiennent plus de Staphylococcus et moins de Cutibacterium, tandis que les infections fongiques montrent une surabondance de Trichophyton. Des tests sanguins ou des prélèvements d’ADN pourraient remplacer les biopsies d’ici 2027.
Des algorithmes d’intelligence artificielle analysent déjà des images d’ongles pour prédire le diagnostic. Selon le Global Psoriasis Atlas, cette technologie pourrait réduire les erreurs de 22 % d’ici 2027.
Que faire si vous doutez de votre diagnostic ?
Voici ce qu’il faut faire maintenant :
- Prenez une photo de vos ongles chaque mois : utilisez la même lumière, le même angle. Cela aide votre médecin à voir l’évolution.
- Ne vous automédiquez pas : un antifongique en vente libre peut cacher une infection, mais ne traitera jamais le psoriasis.
- Consultez un dermatologue : si vous avez déjà du psoriasis cutané, demandez un examen des ongles à chaque visite.
- Évitez les bains de pieds partagés : même si vous pensez avoir du psoriasis, une infection secondaire peut survenir.
- Ne laissez pas passer plus de 3 mois : plus vous attendez, plus l’ongle est endommagé, et plus le traitement sera long et difficile.
Les troubles des ongles ne sont pas une question esthétique. Ce sont des signes d’un déséquilibre interne - qu’il soit auto-immun ou infectieux. Le bon diagnostic, c’est le premier pas vers une guérison réelle. Ne laissez pas un simple changement de couleur vous faire perdre un an de votre vie.
Comment savoir si j’ai une infection fongique ou du psoriasis des ongles ?
La présence de pitting (petites dépressions) est presque toujours un signe de psoriasis. Une odeur fétide, un épaississement sévère et un début à la pointe de l’ongle pointent vers une infection fongique. Le psoriasis touche souvent plusieurs ongles à la fois, tandis que l’infection commence généralement sur un seul. Un test KOH permet de confirmer ou d’exclure la présence de champignons.
Les antifongiques fonctionnent-ils sur le psoriasis des ongles ?
Non. Les antifongiques ne traitent pas le psoriasis. Ils agissent sur les champignons, pas sur le système immunitaire. Utiliser des antifongiques pour un psoriasis des ongles ne fait qu’attendre la bonne prise en charge, ce qui peut aggraver la détérioration de l’ongle.
Pourquoi mon ongle ne guérit pas malgré les traitements ?
Si vous avez du psoriasis et que vous avez utilisé des antifongiques, ou si vous avez une infection et que vous avez utilisé des corticoïdes, vous avez probablement reçu un traitement inadapté. Le psoriasis nécessite des traitements immuno-modulateurs, et l’infection fongique exige des antifongiques oraux ou topiques spécifiques. Un diagnostic erroné est la cause la plus fréquente d’échec de traitement.
Est-ce que le psoriasis des ongles est contagieux ?
Non. Le psoriasis des ongles est une maladie auto-immune, pas une infection. Vous ne pouvez pas le transmettre à quelqu’un d’autre. En revanche, l’onychomycose est contagieuse, surtout dans les lieux humides comme les vestiaires ou les piscines.
Quel est le traitement le plus efficace pour les ongles fongiques ?
La terbinafine orale est le traitement le plus efficace, avec un taux de guérison de 78 % après 12 semaines. Pour les ongles de doigts, les traitements topiques comme l’efinaconazole peuvent aussi être utilisés, mais ils prennent plus de temps. Pour les ongles de orteil, l’orale est presque toujours nécessaire.
Combien de temps faut-il pour que l’ongle repousse après un traitement ?
Un ongle de doigt repousse entièrement en 6 mois. Un ongle de orteil prend entre 12 et 18 mois. Même après guérison, il faut attendre que l’ongle malade soit complètement remplacé pour voir un résultat esthétique satisfaisant. La patience est essentielle.
Les remèdes naturels comme l’huile d’arbre à thé fonctionnent-ils ?
L’huile d’arbre à thé peut aider à réduire les symptômes légers d’une infection fongique, mais elle ne guérit pas une infection profonde. Elle n’a aucun effet sur le psoriasis. Elle peut être utilisée en complément, mais jamais en remplacement d’un traitement médical validé.