Si vous prenez un anticoagulant comme le warfarin, l’apixaban ou le rivaroxaban, et que vous prenez aussi des suppléments d’ail, vous courez un risque réel de saignement. Ce n’est pas une hypothèse théorique. C’est une réalité clinique documentée dans des cas graves, parfois mortels.
Comment l’ail devient un anticoagulant
L’ail, sous forme de cuisine, est sans danger. Manger une gousse ou deux par jour dans vos plats ne pose aucun problème. Mais les suppléments, eux, sont une autre histoire. Ils contiennent des concentrations concentrées de composés actifs, surtout l’ajoène, un dérivé soufré qui bloque durablement l’agrégation des plaquettes. C’est exactement ce que font les médicaments anticoagulants : ils empêchent le sang de coaguler. Quand vous combinez les deux, vous doublez l’effet. Et ça, ça peut faire saigner n’importe quelle plaie, même une petite.Des études montrent que l’ajoène agit de façon irréversible. Une fois qu’il a bloqué les plaquettes, elles ne peuvent plus fonctionner normalement pendant plusieurs jours. C’est pourquoi les médecins recommandent d’arrêter les suppléments d’ail au moins sept jours avant une intervention chirurgicale. Même si vos analyses de coagulation sont normales, les plaquettes sont déjà en mode « hors service ».
Les suppléments ne sont pas tous égaux
Tous les suppléments d’ail ne se valent pas. Les extraits d’huile macérée contiennent les taux les plus élevés d’ajoène - jusqu’à 3,2 mg par dose selon des analyses de laboratoire. Les extraits vieillis (comme le Kyolic) sont plus prévisibles, mais même eux peuvent provoquer des effets indésirables. Une étude sur 120 patients a montré que 240 mg d’extrait d’ail vieilli pris deux fois par jour allongeait le temps de saignement de 4,6 secondes - une différence statistiquement significative. Et ce n’est qu’un seul produit. Sur 45 suppléments testés, 68 % ne mentionnaient même pas la quantité d’ajoène sur l’étiquette.La conséquence ? Vous ne savez jamais vraiment ce que vous prenez. Un supplément peut être inoffensif, un autre peut vous envoyer aux urgences. Et les pharmaciens, les médecins, les chirurgiens - ils ne peuvent pas deviner.
Les médicaments qui interagissent le plus
L’ail ne menace pas seulement les anticoagulants. Il peut aussi renforcer les effets des antiagrégants plaquettaires comme l’aspirine ou le clopigrel. Une méta-analyse de 2024 a révélé que 22,4 % des patients prenant à la fois ces médicaments et des suppléments d’ail ont vu leur taux de plaquettes chuter sous les 150 000/μL - un signe de thrombocytopenie. Parmi eux, 5,3 % ont eu des saignements nécessitant une transfusion. Ceux qui ne prenaient pas d’ail ? Seulement 1,2 %.Le warfarin est particulièrement concerné. L’Agence européenne des médicaments a mis à jour ses étiquettes pour avertir clairement : « L’ail peut augmenter le risque de saignement lorsqu’il est pris avec des anticoagulants. » Même les nouveaux anticoagulants oraux (DOACs) comme l’apixaban ou le dabigatran ne sont pas épargnés. Les données sont moins nombreuses, mais les cas rapportés sont suffisamment graves pour que l’American Heart Association cite 12 cas d’hémorragie intracrâniale liés à cette association.
Que faire si vous prenez déjà des suppléments d’ail ?
Si vous êtes sous anticoagulant et que vous prenez de l’ail en gélules, capsules ou huile, voici ce qu’il faut faire maintenant :- Arrêtez immédiatement les suppléments. Pas de « je vais réduire » ou « je vais en prendre tous les deux jours ». Arrêtez complètement.
- Informez votre médecin ou votre pharmacien. Dites-leur exactement quel supplément vous prenez, la dose et depuis combien de temps.
- Si vous devez subir une intervention chirurgicale, dites-le clairement. Même si on vous demande si vous prenez des « herbes » ou des « vitamines », mentionnez l’ail. Beaucoup de patients pensent que « c’est naturel, donc ça ne compte pas ». C’est faux.
- Si vous êtes sous warfarin, demandez un contrôle de l’INR 48 à 72 heures après l’arrêt de l’ail. Des ajustements de dose de 10 à 25 % sont souvent nécessaires.
La règle est simple : si vous avez une intervention prévue, arrêtez l’ail au moins sept jours à l’avance. Si vous avez déjà saigné sans raison, ou si vous avez des ecchymoses inhabituelles, arrêtez-le maintenant et parlez-en à votre médecin.
Et l’ail dans la cuisine ?
Oui, vous pouvez continuer à en mettre dans vos plats. Une à deux gousses par jour - soit environ 3 à 6 grammes - ne modifient pas la coagulation. Le risque vient de la concentration. Les suppléments sont des médicaments déguisés en compléments alimentaires. La cuisine, elle, est naturelle, diluée, et accompagnée d’autres aliments qui atténuent les effets.Des études ont montré que les patients qui mangeaient de l’ail en alimentation ne présentaient aucun risque accru de saignement, même sous warfarin. Le problème, c’est la dose, pas l’ail lui-même.
Que disent les grandes organisations médicales ?
Les recommandations sont claires et unanimes :- L’American Society of Anesthesiologists classe l’ail parmi les suppléments à arrêter 7 jours avant une chirurgie.
- L’American Heart Association recommande d’éviter les suppléments d’ail chez les patients sous anticoagulants.
- L’Agence européenne des médicaments exige des étiquettes d’avertissement sur tous les produits contenant de l’ail.
- Le NIH a modifié ses protocoles chirurgicaux après deux cas où des patients ont saigné sans contrôle, malgré des analyses normales - juste parce qu’ils prenaient de l’ail en complément.
Il n’y a pas de consensus flou ici. C’est une alerte officielle, appuyée par des données cliniques, des cas réels, et des protocoles hospitaliers mis à jour.
Les autres compléments à éviter avec les anticoagulants
L’ail n’est pas le seul. Il fait partie d’une liste d’éléments naturels qui peuvent être dangereux :- Le gingembre - même en gélules
- Le curcuma (et son composé curcumine)
- Le poisson (huile de poisson à haute dose)
- Le ginkgo biloba
- Le feverfew (feuille de tanaisie)
Beaucoup de gens croient que « naturel » = « sans danger ». Ce n’est pas vrai. L’ail, le gingembre, le curcuma - ce sont des substances actives. Elles agissent sur les mêmes voies que vos médicaments. Et quand elles s’additionnent, le résultat peut être fatal.
Que faire si vous avez déjà saigné ?
Si vous avez eu un saignement inexpliqué - nez qui coule, gencives qui saignent, ecchymoses sans raison, sang dans les urines ou les selles - et que vous prenez des suppléments d’ail, arrêtez-les immédiatement. Consultez votre médecin. Dites-lui exactement ce que vous avez pris. Il faudra peut-être faire un test de fonction plaquettaire (PFA-100). Si le temps de fermeture dépasse 193 secondes, cela signifie que vos plaquettes ne fonctionnent plus correctement. Dans ce cas, une transfusion peut être nécessaire avant toute intervention.Ne vous fiez pas à votre instinct. Ne dites pas : « Je n’en prends que peu. » Même 200 mg par jour peuvent suffire à provoquer un saignement grave chez une personne sensible.
Les futures recherches
Des essais cliniques sont en cours pour mieux comprendre comment l’ail interagit avec les anticoagulants modernes. Un essai enregistré sous le numéro NCT05219843 étudie précisément l’effet de 1 200 mg d’extrait d’ail vieilli sur l’apixaban. Les résultats devraient être publiés avant la fin de l’année. Mais en attendant, on ne peut pas attendre. Les preuves existent déjà. Et elles sont suffisantes pour agir.La vérité est simple : l’ail en cuisine est bon pour la santé. L’ail en gélule, lui, est un médicament. Et comme tout médicament, il peut avoir des effets secondaires. Avec les anticoagulants, ce n’est pas un risque minime. C’est un danger réel. Et il vaut mieux le prévenir que le regretter.
Puis-je continuer à manger de l’ail dans mes plats si je prends un anticoagulant ?
Oui, absolument. Manger 1 à 2 gousses d’ail par jour dans vos repas ne présente aucun risque augmenté de saignement. Le danger vient uniquement des suppléments concentrés, qui contiennent des doses bien plus élevées de composés actifs comme l’ajoène. La cuisine naturelle est sûre.
Combien de temps avant une chirurgie dois-je arrêter les suppléments d’ail ?
Au moins sept jours. C’est le délai recommandé par l’American Society of Anesthesiologists et le NIH, basé sur le fait que l’ajoène bloque de façon irréversible les plaquettes. Arrêter trois jours seulement n’est pas suffisant : les patients qui ont arrêté moins de 72 heures avant l’opération ont eu un saignement trois fois plus important.
Les suppléments d’ail bio sont-ils plus sûrs ?
Non. Le bio ne change rien à la composition active. Un supplément bio d’ail peut contenir autant d’ajoène qu’un supplément conventionnel. Le problème n’est pas la méthode de culture, mais la concentration du produit. Même les produits bio ne précisent pas toujours la dose d’ajoène - ce qui rend leur sécurité imprévisible.
Mon médecin ne m’a jamais parlé de cette interaction. Est-ce grave ?
C’est un problème courant. Beaucoup de médecins ne pensent pas à demander aux patients s’ils prennent des suppléments, surtout s’ils sont « naturels ». Mais ce n’est pas une excuse. Vous êtes le meilleur expert de votre propre traitement. Si vous prenez un anticoagulant, informez toujours votre médecin de tout ce que vous prenez - même si vous pensez que ce n’est « pas important ».
Y a-t-il des suppléments d’ail sans risque ?
Aucun. Tous les suppléments d’ail contiennent des composés actifs qui peuvent interagir avec les anticoagulants. Même ceux qui affichent « faible dose » ou « doux » peuvent contenir assez d’ajoène pour augmenter le risque. La seule façon d’être sûr est de ne pas en prendre du tout si vous êtes sous traitement anticoagulant.
Didier Bottineau
Je viens de voir ce post et j'ai arrêté mes gélules d'ail hier soir. J'en prenais 2 par jour depuis 6 mois pour 'renforcer mon système immunitaire'. Je n'avais aucune idée que c'était un risque réel. Merci pour la clarté.